L’année 2025 marque un moment singulier pour l’intersection entre l’art, l’environnement et le changement sociétal. Face à la crise climatique, à la biodiversité en recul, aux formes de vie remises en question, de nombreux artistes et collectifs interrogent non seulement la nature comme sujet visuel, mais aussi comme matériau, partenaire ou milieu actif. En cela, l’art devient espace de réflexivité, laboratoire d’expériences et outil de sensibilisation, mais aussi acteur de transformation sociale.
Deux volets méritent particulièrement d’être mis en lumière cette année : d’une part, la manière dont les expositions 2025 articulent paysage, crise et esthétique ; d’autre part, la façon dont les projets collectifs lient engagement environnemental et justice sociale.
Paysages en mutation et récits visuels de crise
Un exemple notable est l’exposition « 100 œuvres qui racontent le climat », organisée par Musée d’Orsay en partenariat avec plusieurs institutions françaises : du 11 mars au 15 juillet 2025, cent œuvres patrimoniales — peinture, photographie, sculpture — explorent l’histoire du climat, des phénomènes naturels, des paysages et de leurs transformations.
L’intérêt ici : l’art ne se contente pas de « montrer la nature », il documente, interprète et questionne nos rapports aux éléments – tempêtes, glace, brumes, végétation — et nous rend sensibles à des temporalités longues qui dépassent l’immédiateté visuelle.
Par exemple, certaines œuvres du XIXᵉ ou XXᵉ siècle qui représentaient des ciels lourds ou des paysages troublés prennent, dans ce contexte, la dimension d’« archives visuelles » d’un climat antérieur — et suggèrent que ce que nous considérons aujourd’hui comme « anormal » a une histoire. Le parcours de l’exposition encourage ainsi à relier passé, présent et futur : comment un paysage a-t-il changé ? Que nous dit-il des forces invisibles à l’œuvre ? Et comment notre présence s’y inscrit-elle ?
Par ailleurs, à l’international, la manifestation ECCA 2025 (European Climate Change Adaptation conference) a intégré une exposition « Art in a Changing Climate » qui articule art et science, en engageant les publics à la fois émotionnellement et intellectuellement : « it invites viewers to engage not only with art but also with the scientific and environmental challenges at the heart of ECCA2025’s mission ».
Cette hybridation entre disciplines (arts visuels + sciences du climat) fait émerger un champ nouveau : l’art comme interface entre savoirs techniques et vécus sensibles.
Art participatif, justice environnementale et mobilisation sociale
Au-delà de la scène muséale, 2025 voit aussi se multiplier les appels à l’engagement artistique dans des domaines souvent attribués aux seuls scientifiques ou militants. Par exemple, le Social Art Award 2025 a choisi pour thème « Planetary Healing – Blue Tribes for Ocean Health », invitant artistes et collectifs à œuvrer pour la restauration des océans, la protection de la biodiversité et l’harmonie entre humains et autres-que-humains.
Cette orientation met en exergue que l’art n’est plus seulement réflexif ou contemplatif mais intervient dans des enjeux de vie, de survie, de régénération.
Un autre exemple : le concours « Art on Climate 2025 » (illustration internationale) invite des illustrateurs du monde entier à traduire visuellement des stratégies pour la résilience climatique, à penser « les limites planétaires », « l’inclusion », « la technologie ».
Via ces plateformes, l’art se fait catalyseur de réflexion collective : comment habiter la planète de manière différente ? Quels récits de solidarité imaginer ? Comment l’art peut-il contribuer à ce que l’on appelle souvent « la transition écologique et sociale » ?
Vers de nouveaux paradigmes relationnels entre humains et nature
Un des fils rouges de l’art environnemental contemporain est la remise en question du rapport anthropocentrique : non plus « l’homme face à la nature », mais « l’homme dans la nature », « la nature avec l’homme», « la nature comme sujet actif et co-acteur».
L’exposition séminale « 100 œuvres… » illustre ce tournant : les œuvres montrent la nature non seulement comme décor, mais comme élément agent, transformé, transformant, interpellant.
De surcroît, le Social Art Award 2025 et d’autres projets indiquent que l’art se tourne vers « autres-que-humains » — océans, espèces, matériaux vivants — et cherche à créer des formes de symbiose ou de cohabitation.
Cette perspective s’accompagne d’une dimension sociale : les transformations écologiques impliquent des changements de modes de vie, d’économie, d’éthique. L’art, souvent à l’avant-garde, permet de prototyper mentalement et visuellement ces changements : démarches de sobriété, réseaux d’échange, repenser l’usage des matériaux, réparer au lieu de consommer, etc.
Dans ce cadre, la transition écologique devient autant culturelle que technique. L’art participe à une rééducation collective : sensibiliser, déconstruire des habitudes, ouvrir à l’imaginaire d’un « ailleurs durable ». En cela, il est un levier de changement sociétal.
Enjeux et pistes pour l’avenir
En 2025, trois défis se dégagent :
- Le défi de la temporalité : l’art doit intégrer des durées longues (géologiques, climatiques) et relier mémoire, présent et avenir.
- Le défi de l’interdisciplinarité : art + sciences + écologie + sociologie convergent pour produire des récits et des pratiques plus puissants.
- Le défi de la responsabilité : les artistes et institutions naviguent désormais entre esthétisation et intervention : comment rester critique, éthique, et éviter que l’art ne devienne simple « green washing » ou décor bio-friendly ?
Pour aller plus loin, il faut favoriser :
- des expositions qui ne se contentent pas de « montrer la nature », mais la connectent à nos choix collectifs ;
- des projets participatifs qui incluent les communautés, les territoires et les savoirs locaux ;
- des dispositifs artistiques qui interrogent la production même de l’art (matériaux, chaîne, recyclage, empreinte écologique).
- et enfin, une valorisation publique de l’art environnemental comme vecteur de transformation, pas seulement d’alerte.
Conclusion
L’art, en 2025, agit comme lentille critique, levier d’imaginaire et moteur de changement dans le contexte des urgences écologiques et sociétales. En revisitant notre rapport à la nature, en croisant savoirs et sensibilités, et en mobilisant collectif et territoire, il ouvre des avenues vers une société qui pense l’environnement non comme un décor, mais comme un acteur, un partenaire, un milieu habité.
Que nous montre-t-il ? Que le vivant, dans toutes ses formes, mérite d’être au cœur de notre vision du monde – et que l’art peut contribuer à cette re-vision.